Poésie sous plastique


L'épaule de Pollock










Il a laissé se précipiter sur ses souffles à plat
Les curieux nerfs de son histoire, craché
Aliéné sa respiration au rythme de ses épaules
Sur ces surfaces sans borne
Il a ordonné les viscères du monde
Raffiné, patient
Il a, lui seul, su transcender le mouvement éternel
Pour l'acclimater aux turpitudes de l'immobile
On lui doit l'ouverture d'un passage sur de fines concordances inconnues
Qu'il a, lui seul, deviné dans l'espace
Il nous les offre, guettant l'écho, sur les murs du Moma
Un peu en retrait, il siège
Mais que penserait-il, quelques secondes avant sa fin
De ce que ces foules de l'affliction lui retirent
De ce que leur mort ambulante, dressée sur des écrans
Bannit en la figeant, de sa témérité ?
Leurs yeux sont clos depuis toujours
Desséchés par les pouces qui sélectionnent dans le vide
Que peut-il, Pollock contre l'absence ?
Que lui reste-t-il face à cette caserne des impuissances
Cette tumeur active des savoirs
Que peut-il donner quand ce qu'on lui donne
N'est plus qu'un bref à-coup aussitôt évacué dans l'informe ?
Nous pleurons, Pollock, pour les bribes d'âme que tu perds
Ainsi fui par ceux qui pourchassent les espaces éventés
Pollock
Tu marques un temps clos
Un temps disparu du voir
Quand les sens pouvaient encore vouloir s'exprimer
Sans carcan, sans balise, sans radar
Avec la peur au ventre et ce qu'elle porte
De sacré
D'inconsidéré et de fatal
Tu as peint avec les dernières expirations
D'un monde qui se resserre autour de quelques signes factices
Sans le sentir, s'étrangle dans le filet flasque de son ombre.








Moma NYC
Janvier 2016





L'épaule de Pollock